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fim
18 août 2010

captivity

"Imaginez le pire" nous prévient l'affiche du film Captivity sorti le 8 août dernier. Eh bien, après l'avoir vu, je peux vous confirmer que, pour une fois, le slogan ne ment pas.

Je n'aime pas les critiques qui démolissent systématiquement. Derrière un film d'une heure et demie, il y a beaucoup de travail et, après tout, "si tu n'aimes pas c'est ton droit, mais n'en dégoûte pas les autres" disait ma grand-mère. Mais là, je suis énervé, aussi je préviens : cet article a pour but de démonter film et vous le gâchera de toutes les façons possibles, y compris en vous racontant la fin. Donc si vous souhaitez tout de même avoir la possibilité d'apprécier ce film, éviter de lire ma critique, mais si vous ne comptiez pas le voir, voici quelques raisons supplémentaires pour cela.


Captivity
raconte l'histoire d'un mannequin joué par Elisha Cuthbert (la fille de Jack Bauer dans 24) qui est enlevée et torturée par un maniaque. Roland Joffé, cinéaste que j'admire par ailleurs pour Mission, The Killing Fields (La Déchirure) et même – le croiriez vous ? – Vatel, a réalisé, parfois avec un certain talent, un film assez détestable. Je veux bien croire qu'il a vu son film comme une réflexion sur la célébrité, et que c'est la raison pour laquelle il a voulu rendre si glamour cette prison crasseuse. En fait, le parti pris esthétique, avec une image presque toujours saturée vers une couleur primaire, mettant bien en valeur la beauté d'Elisha Cuthbert (y compris par les jolies traces noires sur son visage quand elle se salit un peu), est au final plus dérangeant qu'autre chose : il ne nous fait pas adopter le point de vue de la victime, mais bien celui du bourreau – bourreau dont on ne voit pas le visage et qui boit un verre de bordeau en observant sa prisonnière par un moniteur vidéo. (Ça sonne pour vous comme un cliché ? Bien vu ! j'en profite pour vous inciter à lire l'article sur conventions et clichés sur ce blog.)

Le scénario est écrit par Larry Cohen, auteur de Phone Booth (film qui m'avait déjà agacé, et dans lequel jouait Jack Bauer soi-même dans le rôle d'un Dieu rédempteur armé d'un fusil à lunette - ce qui devrait vous donner une indication de ce qui m'avait gêné).

Dans Phone Booth, le yuppie joué par Colin Farell devait se libérer de son péché d'orgueil sous la menace d'une arme.
Dans Captivity, le tueur psychopathe est encore une fois présenté comme le déclencheur d'une libération. Ici, c'est une belle jeune femme qui doit abandonner… quoi au juste ? Son maquillage ? Ses talons aiguilles ? On ne sait pas vraiment car le personnage nous reste lointain, extérieur, et qu'au fond, sa seule faute est d'être une femme séduisante. Il semble cependant que le scénariste cherche à lui reprocher de jouer un rôle devant les caméra. Bien sûr, elle ment aux médias pour se protéger ! Est-ce un tort ? Surtout on sait qu'elle s'en est sortie toute seule et qu'elle a utilisé sa beauté pour devenir quelqu'un. Elle mérite donc apparemment d'être punie pour ça.

Je ne pense pas que le film soit misogyne par intention (mais c'est vrai que l'histoire d'une femme kidnappée et torturée juste parce qu'elle est une femme, ça peut prêter à confusion) mais il n'en est pas moins sexiste, plus par la maladresse de sa narration que par ses intentions.
Certes le dialogue rappelle – d'une façon assez balourde – que les hommes sont toujours ceux qui excercent des violences sur les femmes et, pour ceux à qui cela aurait échappé, le plan de fin insiste bien sur le fait que l'image glamour de la féminité est la vraie prison (de façon si évidente que c'en est agaçant).

 

Et même, je veux bien admettre que le mannequin joué par Elisha Cuthbert soit prisonnière de sa beauté, de sa célébrité et de son image et que le film raconte son trajet pour s'en libérer. Mais tiens examinons un peu quelle libération nous est proposée. Simone de Beauvoir, Mary Wollstonecraft, Clara Zetkin, tenez vous-bien ! voici le secret de la libération féminine par Larry Cohen…

Dans l'exposition, Elisha Cuthbert explique en interview que pour elle, il n'y a pas d'homme idéal
("mister right" en V.O.) et qu'elle a peur du nor. Et on se doute bien que la première déclaration est un peu mensongère et que la deuxième servira plus tard. On n'a pas tort d'ailleurs : lors de sa captivité, pour lutter contre sa peur du noir, le jeune mannequin rêve à voix haute qu'un homme idéal la protège.

Bien sûr, il s'avère qu'elle a un compagnon de captivité, dans la cellule voisine, qui, malgré les conditions relativement dramatiques où ils se trouvent tous deux – ou peut-être à cause d'elles – parvient à la séduire (admettons). Tout cela s'explique en réalité par le fait qu'il est un ignoble manipulateur complice du psychopathe (je vous avais prévenu : si vous n'avez pas vu le film, maintenant il est totalement gâché). Au final, Elisha Cuthbert doit donc se débrouiller toute seule pour s'en sortir (mais au fait, n'est-ce pas ce qu'elle avait fait avant dans la vie ?). Elle rampe dans les conduits d'aération et éteint la lumière pour désorienter son ex-boyfriend psychopathe (affrontant ainsi seule sa peur du noir, vous avez saisi la métaphore ?). Puis elle tue le méchant. Et là, on est sûr qu'elle est a présent libre, parce que c'est le serial killer lui-même qui nous le dit, au moment d'agoniser sur le sol (ne riez pas).

En fait, les psychopathes sont décidément utiles ! Ils enlèvent les femmes pour les torturer, et les manipuler, mais tout cela est justifié par le fait que, si elles survivent, cela s'avère un excellent moyen de les libérer de leur pêché (qui semble être d'utiliser leur beauté pour s'en sortir dans la vie et de faire confiance au premier manipulateur venu – heureusement tout cela peut s'arranger si elles adoptent une attitude plus virile face à la vie, et qu'elles abandonnent leurs façons perverses).
Et pour ceux qui n'aurait pas encore compris, quel est le symbole final marquant la libération de l'héroïne de cette fable navrante ? Croyez-le ou non, c'est qu'elle tire au fusil à pompe sur une affiche publicitaire qui la représente en train de vanter un parfum. Je sens qu'on avance à grand pas vers une solution contre les violences faites aux femmes.

On remarquera au passage que dans ce film, pour qu'une femme se libère par elle-même, il faut que tous les personnages masculins, sans exception, meurent violemment.

Effectivement, si c'est la seule solution, les femmes ne sont pas prêtes d'être librescaptivity

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